Aujourd’hui la rédaction de Stampaprint, spécialiste de l’impression en ligne, vous fait entrer dans l’atelier d’Izys, artiste peintre professionnelle. Isabelle Zyskind mélange différentes techniques de peinture, dont l’aquarelle, avec la photographie et l’insertion d’éléments plus graphiques. En plus de pratiquer la peinture, elle l’apprend aussi, au cours de stages en atelier ou en plein air organisés tout au long de l’année.
A vos palettes de couleurs donc!
Bonjour Isabelle Zyskind. Vous êtes peintre, basée à Paris dans le XIIe arrondissement, où se trouve votre atelier. Quand et comment votre passion pour la peinture et le dessin s’est-elle manifestée ?
Ma passion pour le dessin remonte à l’enfance et je me souviens de dessins que je rangeais dans un classeur quand j’avais 8 ou 9 ans. Malheureusement je ne les ai pas gardés. J’ai commencé à peindre à la gouache vers 18-20 ans puis j’ai essayé l’huile et les pastels puis enfin l’aquarelle car c’était pour moi le summum de la réussite si je parvenais à peindre des aquarelles dignes de ce nom. J’adorais la transparence et les lumières que l’aquarelle pouvait transcrire. Apprendre cette technique seule, en autodidacte car je n’ai pas de formation artistique à la base, était quelque chose de difficile mais de passionnant.
Après, ça a été au tour de la passion pour la photographie, que vous associez souvent à la peinture dans vos aquarelles sur toile, en complétant à l’aquarelle un cliché collé sur la toile. Depuis son apparition, on a souvent considéré la photographie comme en compétition, voire en opposition avec la peinture. Vous arrivez à les concilier et à faire en sorte qu’elles s’enrichissent mutuellement. Comment avez-vous développé ces deux passions en parallèle et avez-vous eu l’idée de les combiner ?
Je me suis intéressée à la photo à peu près en même temps que je m’intéressais à l’aquarelle. Je me suis inscrite à un club-photo. Les premières séances de critiques de photos (c’était des diapositives à l’époque) où je participais furent une révélation : on pouvait avec un peu de technique obtenir ces superbes photos ! Les « anciens » du club y trouvaient toujours un défaut et moi j’étais en général subjuguée ! La passion est partie de là. J’ai beaucoup appris pas seulement en technique mais aussi en cadrage, en perspective, en couleur, en mise en valeur des lumières ou de certains éléments seulement. C’est de la composition et sur ce terrain, photo et peinture se rejoignent. Faire de la photo était une chose, peindre en était une autre et je ne souhaitais pas arrêter l’une ou l’autre de ces activités ! Travaillant par ailleurs dans un tout autre domaine (comptabilité-gestion financière !) cela devenait compliqué ! Un jour j’ai vu dans un magazine de décoration une photo ancienne qui avait été encadrée et sur le passe-partout les grandes lignes de la photo avaient été dessinées, la prolongeant en quelque sorte. J’ai trouvé cela original mais surtout cela m’a donné l’idée de mêler photo et peinture. Ce n’est donc pas moi qui ai inventé le concept !
Les sujets qui reviennent pour ce type de toiles-collages, à mi chemin entre la peinture et la photographie de rue, sont souvent des paysages urbains, parisiens notamment, avec quelques petits personnages qui agit dans la ville. on retrouve dans de nombreux tableaux le thème de l’entre-deux, symbolisé par les dizaines de passerelles, de ponts, de passages parisiens. Décrivez-nous quelques-uns de ces ouvrages.
Mes toiles où je mêle photo de personnage dans les rues de Paris partent clairement de la photo : j’aime photographier des personnages qui se détachent un peu dans les rues comme des joggeurs par exemple. Sur ordinateur je retouche un peu la saturation des couleurs et recadre serré le personnage que je veux mettre en valeur et isoler : c’est important pour moi le symbole du personnage qui marche seul dans la ville, l’isolement dans la foule en quelque sorte. En tout cas c’est la phase de « déconstruction » de la photo. Puis en atelier je « reconstruit » : je positionne mon fragment de photo-personnage et je dessine autour en transformant légèrement la réalité : simplification des formes, équilibre des masses, des vides, des couleurs.
Au final le regard du spectateur doit être attiré par le personnage (netteté de la photo, couleur vive, partie vivante du tableau) puis il doit tourner autour dans le tableau et en s’éloignant de la photo on retrouve la peinture avec ses transparences (c’est bien de l’aquarelle sur toile), ses imperfections, ses formes suggérées.
La passerelle
Le fragment de photo est uniquement le personnage. Cette jeune femme terminait son jogging, passerelle Simone de Beauvoir dans le 12e arrt. Il avait plu, le ciel était gris et son vêtement rouge vif se distinguait nettement dans cet environnement gris et bleu-vert des vitres de la BNF en face. J’ai finalement choisi de ne pas montrer les tours de la Bibliothèque mais uniquement le bâtiment qui fait face à la passerelle. J’ai accentué l’ombre sous le pont, les couleurs gris-vert et les roses doux des immeubles en arrière-plan.
Février ensoleillé
Ici aussi le personnage est l’élément central, qui donne vie à la rue. En vérité sur ma photo non recadrée il y avait bien plus de voitures ! la lumière forte et froide de ce soleil d’hiver donne des ombres franches et nettes. L’arbre dénudé et les piquets sont des éléments graphiques très « dessinés » que j’aime beaucoup utiliser. Une touche de vert pour l’herbe, une touche de rouge pour une voiture, une touche de jaune pour la boîte aux lettres, il ne faut pas en dire plus !
Pour représenter la nature, les paysages naturels, vierges vous préférez plutôt la technique de l’aquarelle simple, comme dans la série de vos « aquarelles atmosphériques ». Le focus est mis justement sur la façon dont le paysage change selon les différentes conditions atmosphériques, un peu à la manière des impressionnistes. Quelles sont vos modèles, vos sources d’inspiration, si vous en avez ? Peignez-vous ce type de sujets en plein air ou en atelier ? Ou vous inspirez-vous de photos ?
Il est vrai que pour mes paysages « atmosphériques » c’est l’aquarelle classique sur papier qui apporte le mieux aux paysages toute la douceur et le mystère des paysages embrumés, pluvieux ou neigeux que j’affectionne beaucoup. Je ne suis pas vraiment attirée par les couleurs clinquantes du sud même s’il m’arrive d’en peindre quelquefois. Dans la vie c’est pareil : mes rêves de voyages sont tournés vers l’Ecosse, l’Islande et aussi l’Alaska ou le Groenland. D’ailleurs j’ai récemment exposé une série d’aquarelles sur toile et sur papier sur le thème des glaciers et icebergs !
Mes inspirations pour ces paysages sont parfois mes photos, parfois des images glanées sur internet ou dans des livres mais j’essaie toujours de les modifier car je ne veux pas être une « voleuse » d’images et aussi parce que c’est bien plus créatif. Ces images de toute façon doivent « me parler ». Parfois je n’ai aucun modèle : j’humidifie ma feuille et je commence à peindre avec une vague idée de paysage. Au fur et à mesure un paysage parfois très différent peut naître de l’aquarelle qui fuse, des couleurs qui se mêlent ou au contraire qui forment nettement des plans différents, des vallées, des plateaux, des plans d’eau. Je peints en atelier : j’ai besoin de calme et d’intérioriser mes paysages, je ne veux pas être gênée par des lumières changeantes ou des conditions météo gênantes comme c’est souvent le cas en extérieur. Je réserve cela par contre pour mes carnets de voyages, pour un style beaucoup plus spontané, pour le croquis et j’adore cela !
Le paysage urbain revient dans vos œuvres à l’aquarelle et à l’encre. Mais cette fois-ci c’est un paysage fantasmé, fantastique, factice, que l’on relierait difficilement à un endroit connu, réel. C’est des dessins moins réalistes car plus graphiques, du fait des contours noirs tracés à l’encre, et plus colorés, où se succèdent des architectures industrielles visionnaires. Est-ce une sorte de vœu par rapport à une nouvelle façon plus gaie d’habiter la ville et de concevoir l’urbanisme ?
Dans mes paysages urbains imaginaires, je n’essaie pas du tout de revendiquer des villes plus gaies et des réhabilitations visionnaires poétiques même si c’est un peu le rendu final. Je n’ai pas la prétention d’une démarche urbaniste mais seulement illustrative. J’aime superposer des volumes pour ensuite les « habiter », un peu au hasard : Là j’imagine une terrasse alors j’y dessine des parasols, je relie ensuite cette terrasse à une piscine en dessinant quelques marches, une excroissance d’un volume me fera penser à un rocher et j’y « accrocherai » un lampadaire, j’y poserai une éolienne ou un palmier ! Les sujets sont multiples et leurs combinaisons infinies. Ces dessins constituent pour moi des pauses entre deux peintures plus travaillées, j’y reviens comme je reviendrais sur un puzzle jamais fini !
La même tendance graphique est présente dans vos carnets « fourre-tout », qui grouillent de petits croquis, de petites esquisses, de portraits, de motifs végétaux et animaliers, répétés avec de petites variations. Un florilège de vos petits jolis dessins.
Dans mes carnets c’est un peu différent : j’aime y tester des façons différentes de dessiner comme le fait d’utiliser des feutres colorés ou des crayons de couleurs ou juste une seule couleur d’aquarelle. Les mises en pages sont pour moi aussi importantes que les dessins eux-mêmes. Ce sont parfois des carnets graphiques, de pures expérimentations, des gribouillages !
Crédit images de l’article:
© IZYS/Isabelle Zyskind