Aujourd’hui la rédaction de l’imprimerie en ligne Stampaprint vous propose un petit détour sur les deux rives du Bosphore. Expatriée à Istanbul depuis 12 ans, Caroline Gaujour est illustratrice, auteure du livre Ma Vie d’Expat, Destination Istanbul, paru aux Editions Sandawe, et rédactrice du blog Ma vie d’expat’ en dessins. Nous l’avons interviewée pour vous.
Bonjour Caroline. Vous êtes l’auteure du blog « La vie d’expat’ en dessins. Istanbul ». Avant même de plonger dans vos textes, dans vos illustrations, une question s’impose en raison des événements récents qui ont frappé la capitale turque et son quartier européen. Le timing de cette interview est impitoyable, mais, en tant que jeune femme française installée à Istanbul, vous êtes peut-être la personne la mieux placée pour rebondir sur la situation d’après l’attentat qui a ciblé la boîte de nuit Reina la nuit du réveillon de fin d’année et qui a causé 39 morts, dont 16 étrangers. Votre dernier billet, très lyrique et touchant, est justement consacré à l’atmosphère, aux sentiments que vous ressentez en défilant dans les quartiers d’Istanbul après cette énième tuerie. Quelles ont été vos premières réactions ? Quel est votre regard sur la situation actuelle en Turquie ? Quelle sont vos sentiments en tant qu’expatriée européenne ?
Nous avons un sentiment d’insécurité croissant en tant qu’expatriés, mais il est contrebalancé par le fait que nous aimons notre pays d’accueil. Je suis heureuse de rentrer à Istanbul chaque fois que je viens de passer quelques jours en France. Je suis surtout triste pour les Turcs et la Turquie. En tant qu’étrangère, et expatriée, j’ai ici une vie privilégiée, et je peux faire le choix de partir si nous jugeons un jour que la situation n’est plus tenable. Ce n’est finalement pas un choix facile, car cela veut dire à nouveau tout recommencer, mais c’est aussi un luxe que tous n’ont pas.
Veuillons rendre hommage aux victimes de cet attentat, avec le dessin que vous avez posté au bout de l’article, et qui est tout aussi émouvant que le texte.
Mais procédons par ordre. Depuis quand êtes-vous basée à Istanbul ? Pourquoi y avez-vous débarqué ?
Je suis arrivée à Istanbul en 2014, nous avons déménagé en famille lors d’une mutation de mon mari. Je suis expatriée depuis presque 12 ans (je suis partie après mes études), et à chaque fois, je « suis » mon conjoint, et je me réinvente une fois sur place.
D’où l’idée de dessiner vos moments quotidiens à Istanbul a-t-elle germé dans votre tête ? Dessiniez-vous déjà en France ? Et quand avez-vous décidé de partager ces moments avec les internautes ?
J’ai toujours aimé écrire et dessiner. J’ai rêvé d’écrire un livre dès que j’ai su tenir un stylo. Je dessinais avant, mais sans avoir pris de cours. Arrivée à Istanbul, je n’ai pas pu travailler comme j’avais pu le faire lors de précédentes expatriations. Ça a été l’occasion de prendre des cours de dessin, enfin, et puis aussi de noter mes observations sur la vie quotidienne. L’écriture et le dessin se sont finalement rencontrés lorsque j’ai créé mon blog, en 2015. J’ai voulu partager mes vignettes de dessin, et puis j’ai écrit un article pour les présenter, et c’est comme ça que cela a commencé.
Quelles techniques privilégiez-vous ? Et quels sujets ?
J’aime beaucoup l’aquarelle, et il y en a dans le livre. Cela donne un côté « carnet de voyage ». Sinon, j’ai tout dessiné au crayon et encre, avant de scanner et coloriser avec Photoshop. Mais maintenant, j’utilise une tablette graphique !
Mes sujets préfères sont ceux touchant à l’identité. Qui est-on quand on est expat’, loin de son pays d’origine, entre deux cultures, parfois avec des enfants globe-trotteurs ? Qu’est-ce qu’être une femme expatriée, une maman, une citoyenne du monde ? Mon livre traite plus de ces questions que de la vie en Turquie à proprement parler. J’aime les sujets qui touchent du monde, dans lesquels les gens se reconnaissent.
Un portrait en mots et en dessins de vos endroits préférés de la ville.
J’aime tous les endroits touchant au Bosphore ! Ma balade préférée est la traversée de la rive Européenne à la rive Asiatique avec le ferry (c’est d’ailleurs la couverture du livre !). La ville peut être oppressante à cause du trafic, mais le fait d’avoir une ouverture sur la mer offre toujours une bouffée d’oxygène. Sinon j’aime les quartiers de Cihangir, Beyolù, et puis Arnavutkoy et Korucesme.
Les trois vignettes que vous estimez les plus drôles, les mieux réussies ou les plus représentatives de votre quotidien stambouliote.
En plus du dessin, vous avez une autre passion : la danse classique. Celle-ci a fait l’objet d’un projet photographique qui vous immortalise en train de danser dans les rues d’Istanbul. Comment est-il né ? Décrivez-nous quelques-uns des clichés qui en font partie ! Où ont-ils été pris ? Quel est le pas de danse que vous effectuez sur la photo ?
J’ai effectivement toujours dansé, et même enseigné le classique quand j’étais en Californie (c’est un de mes moyens d’expression préféré, et un bon défoulement !). J’avais envie d’avoir de belles photos d’Istanbul, et de moi tant que j’étais encore capable de monter sur pointes (!), de commémorer ce moment de ma vie. J’ai 34 ans, mon corps commence à accuser le coup des années d’entraînement, et de plus à Istanbul je n’ai pas pu continuer à danser. Du coup, je voulais garder une trace de cette partie de ma vie avant qu’elle ne file. De plus, j’ai rencontré une photographe dont j’admire beaucoup le travail et la personnalité, Noémie Devaux, et j’ai voulu travailler avec elle car je savais qu’elle poserait un regard bienveillant sur mon travail et que je serai à l’aise pendant la séance. De plus elle connaît très bien Istanbul, et elle m’a fait découvrir plein d’endroits magiques !
(et le pas c’est un simple « relevé au genou », sur pointe)
3 bons plans incontournables et originaux pour quelqu’un de passage à Istanbul.
Je dirais de découvrir les quartiers de Moda, Bebek, et Cihangir. On peut aussi aller à Bomonti pour un concert, manger dans un resto avec un vue imprenable sur la ville (il y en a dans Istiklal Caddesi par exemple). Ou se balader vers Nisantasi et Macka. Mais surtout, ne pas manquer un tour sur le Bosphore, on y voit la ville sous un angle magique.
3 conseils fondamentaux pour quelqu’un qui décide de s’expatrier à Istanbul.
Je voudrais dire : accueillir la folie de cette ville ! Elle n’est pas toujours très praticable, c’est difficile d’apprendre le turc, donc on peut se sentir submergé, mais c’est aussi un endroit du monde incroyable. Rester ouvert aux découvertes, ne pas se décourager quand le quotidien devient compliqué, en se ressourçant de temps à autres (avec thé et hammam). Apprendre un minimum le turc pour pouvoir se débrouiller. Et se connecter à la communauté francophone très dynamique !
Pour rappel, le livre Ma Vie d’Expat, Destination Istanbul peut être acheté sur Amazon (pour livraison en France exclusivement) ou sur Etsy.
Crédit dessins de l’article: © Caroline Gaujour / La vie d’expat’ en dessins. Istanbul