Ces dernières années le street art s’est transformé de forme d’expression artistique pratiquée illégalement sur les murs et dans les rues des villes en véritable outil pour la régénération urbaine. Ici sur le blog de Stampaprint nous avons abordé ce sujet dans plusieurs billets et nous avons souligné comment cette forme d’art est appréciée pour des campagnes publicitaires aussi.
Aujourd’hui nous vous racontons l’histoire de Fanzara, un tout petit village espagnol où vivent 323 habitants: une histoire d’art et de salut.
Fanzara est un village situé à environ 100 kilomètres au nord de Valence, en Espagne. Il s’agit d’une communauté minuscule aux racines anciennes : il existait déjà au XVII siècle quand ses habitants étaient pour la plupart musulmans. En 1609 le village fut conquis par les catholiques et les arabes furent chassés. Quelques siècles plus tard, lors de la Guerre Civile espagnole (1936-1939), des tensions ont opposé les deux communautés qui continuaient d’y vivre, bien que peu nombreuses:les soutiens conservateurs du caudillo Francisco Franco, d’une part, et ses opposants démocratiques et républicains, de l’autre. Une fois de plus, le petit pueblo s’est déchiré en deux camps, basés dans les deux bars villageois, le bar « d’en haut » et le bar « d’en bas », où se rencontraient les membres des deux factions rivales.
Dans les années 2000, une nouvelle raison de rivalité vient cliver la communauté de Fanzara, qui avait entre-temps perdu beaucoup de membres, surtout parmi ceux en âge scolaire. Le maire de l’époque, José Centelles, avance un projet qui prévoyait l’installation d’une infrastructure pour l’élimination de déchets toxiques, capable à ses yeux de créer un nombre considérable d’emplois. Tout de suite une partie des habitants se range du côté du maire, l’autre, s’y opposant, crée La Plataforma contra el vertedero de peur que des résidus toxiques puissent polluer la rivière locale. La bataille politique et légale se poursuit jusqu’en 2011, quand la coalition de centre-gauche remporte les élections municipales et le projet est définitivement enterré. Le petit village reste de nouveau déchiré et les jeunes continuent de s’en aller. En 2014, à trois heures du matin, pendant une fête, un ami de Javier López écrit sur un mur les mots “arte es diversión”, « l’art est divertissement ». Cette phrase allume quelque chose dans la tête de Javier López. Né et grandi à Fanzara, amateur de l’art, celui-ci imagine que l’art justement pourrait devenir le moyen du renouveau, de la renaissance du village. Ainsi, avec son ami Rafa Gascó, il donne vie à MIAU, le musée inachevé d’art urbain, dont le nom est un hommage aux nombreux chats qui peuplent les ruelles de Fanzara. Ce qui, au départ, aurait dû être seulement un graffiti réalisé avec la collaboration de la communauté entière du village, a fini par devenir un des principaux festivals pour toutes celles et ceux qui raffolent du street art.
« Nous voulions construire un musée capable d’accueillir tous ceux qui veuillent venir créer de l’art à Fanzara. » A une seule condition: que les artistes impliquent les résidents du village dans leurs créations, de quelle façon que ce soit, par exemple à travers des ateliers ou un remue-méninges collectif.
La première difficulté dans ce projet ambitieux a été celle de gagner la confiance des habitants mêmes de Fanzara – dont beaucoup sont des septuagénaires ou octogénaires – en leur faisant comprendre les avantages de mettre les murs des habitations à la disposition des artistes. « Il a été compliqué de faire comprendre aux habitants ce que nous avions à l’esprit. La plupart des personnes est âgée et elles ne connaissent pas le street art. » a expliqué Lopez, « Au final ils ont cédé : même si ça ne nous plaît pas, vous pouvez quand même aller de l’avant avec ce projet. »
Depuis 2015 plus de 2300 enfants sont venus visiter les plus de 100 œuvres en plein air visibles à Fazenda. Bon nombre des résidents ont compris l’importance de ce festival et ont décidé de le soutenir. Lors de la deuxième édition en 2015, les habitants de Fazenda ont hébergé chez eux les artistes venus du monde entier, dans le cadre de l’initiative intitulée justement « Adopte un artiste ».
Bien que le MIAU ait toujours ses détracteurs, l’enthousiasme de la population n’en est pas moindre : « On l’a appelé musée inachevé, parce qu’il est en perpétuel devenir, en constante évolution, tout comme l’histoire de notre village. » Un village apaisé et sauvé de l’oubli grâce au street art.